Cette
question nest apparue quaprès ladoption de la
loi et elle navait jamais été abordée dans
les travaux préparatoires, sans doute tant il était évident
que la loi devait également trouver à sappliquer aux
personnes ne possédant pas ou peu de disponible à répartir.
Or
depuis que la loi est entrée en application, certaines décisions
de justice déclarent non admissible une demande introduite par
une personne qui ne pourrait pas dégager un disponible pour ses
créanciers ou certaines décisions révoquent une médiation
au motif que le médiateur ne parvient pas à dégager
de disponible et donc proposer quelque chose aux créanciers.
Plusieurs
éléments permettent pourtant de penser que refuser la médiation
de dettes à quelquun pour ce motif nest pas conforme
à la loi.
Lobjectif
de la loi, explicité au 1675/3, a été modifié
au cours des travaux parlementaires (Doc. Ch., 1073/11 - 96/97, p. 37)
par lajout des termes « dans la mesure du possible ».
Deux arguments ont été annoncés par lauteur
de lamendement :
«
Il convient en effet daccorder une remise lorsque le débiteur
ne dispose pas de moyens suffisants pour régler lintégralité
de ses dettes ».
« Lamendement apporte uniquement une précision, le
plan de règlement devant garantir au débiteur ainsi quà
sa famille quils pourront mener une vie conforme à la dignité
humaine.
Un
parlementaire sétait opposé à cet amendement
et il soutenait que lobjectif prioritaire à atteindre demeurait
le règlement des dettes. Cet objectif est de toute évidence
secondaire puisque malgré cette opposition, lamendement
a été adopté.
La hiérarchie des priorités est donc : 1° La dignité
et 2° le remboursement, dans la mesure du possible.
Dans lanalyse des articles du projet (Doc. Ch. 1073/1 -
96/97, p. 37), lhypothèse dune absence de disponible
est envisagée lorsquil est question dune remise de
dettes.
« Cette mesure ne sera décidée que si le juge lestime
indispensable, face à des situations de surendettement particulièrement
délabrées, où le débiteur ne dispose pas
de moyens suffisants pour rembourser ses créanciers.
Dans les situations les plus extrêmes, cest une remise quasi
totale qui devra être ordonnée par le juge. Dans ce cas,
le plan ne revêtira plus quun caractère symbolique
; seules les mesures daccompagnement garderont leur pleine signification.
La remise quasi totale de dettes sera une solution ultime, lorsquaucune
autre mesure nest possible, lorsque seule cette disposition permet
de préserver encore la dignité du débiteur ».
Certains
se poseront la question de savoir si labsence de disponible nest
pas en contradiction avec larticle 1675/13 qui ne permet quune
remise partielle ?
Une
remise partielle peut aller jusquà un franc.
Une
remise est autorisée si et seulement si lobjectif de larticle
1675/3 ne peut être atteint, c'est-à-dire quun plan
sans remise de dettes ne peut parvenir à un équilibre
entre la dignité humaine et le remboursement.
Puisque léquilibre ne peut être atteint, il faut
choisir entre les deux branches de lalternative. Comme le remboursement
est impossible, cest la dignité humaine qui doit être
entièrement privilégiée.
Au
Sénat (Doc. Sén. 1-929/95 - 97/98, p. 47), un amendement
proposait de limiter la durée du plan à un an en cas de
remise de dettes. « Dans des situations où le débiteur
ne dispose pas ou guère de revenus, la seule conséquence
pratique sera que sa situation désespérée traînera
encore pendant au moins trois ans. Cest pourquoi nous proposons
de ramener la durée minimale à un an ».
Dans sa réponse, le Ministre ne rejette nullement lhypothèse
envisagée par lauteur de lamendement (« situation
où le débiteur ne dispose pas de revenus ») mais
explique que la remise de dettes na pu être admise quau
terme dun compromis.
« Le principe de la remise de dettes en capital constitue une
exception aux principes du droit civil. Il a pu faire lobjet dun
accord au sein du Gouvernement et de la Chambre car il est entouré
dune série dautres mesures qui font en sorte que
le projet de loi soit très équilibré.
Ainsi,
la condition que la remise de dettes nintervient que dans le cadre
dun plan dune durée minimale, et que le débiteur
respecte ce plan, est essentielle. Réduire la durée minimale
du plan de trois à un an romprait léquilibre général
du projet de loi ; cest pourquoi le ministre ne peut être
favorable à cet amendement ».
Au
cours des mêmes travaux, le Ministre a donc rappelé une
des conséquences de la loi (Doc. Sén. 1-929/5 - 97/98
- p. 46) ;
«
Il va de soi que dans les situations les plus délabrées,
cest une remise quasi totale qui devra être ordonnée
».
Au cours des travaux parlementaires, on ne trouvera nulle trace dune
quelconque volonté du législateur décarter
de la procédure les débiteurs nayant pas ou peu
de disponible.
Nous
estimons dès lors pouvoir conclure que le fait quun débiteur
ne puisse pas dégager de disponible, ne peut constituer un obstacle
à ladmissibilité de sa demande.
|